

Alors que les tensions géopolitiques s’intensifient, que les inégalités se creusent et que la défiance envers les élites atteint un niveau critique, le Forum économique mondial (WEF) semble à la croisée des chemins. Longtemps perçu comme un laboratoire d’idées pour la coopération internationale, Davos apparaît désormais pour beaucoup comme un symbole de déconnexion entre la gouvernance globale et les réalités populaires. Dans un monde marqué par la polarisation politique, le repli souverainiste et la montée des contestations sociales, l’avenir du WEF est plus incertain que jamais.

Le modèle promu par le WEF — gouvernance multi-acteurs, libre-échange, capitalisme vert — s’inscrivait dans un monde dominé par les puissances occidentales. Or, l’émergence de blocs alternatifs, de puissances comme la Chine, l’Inde ou les pays des BRICS, remet en cause cette hégémonie intellectuelle et économique.
Ces États contestent la légitimité d’une élite transnationale qui prétend incarner l’intérêt général sans en avoir le mandat. Le WEF, malgré ses efforts d’ouverture, peine à intégrer ces visions concurrentes sans affaiblir son propre cadre de référence.

La critique de Davos ne vient plus seulement des mouvements altermondialistes, mais aussi d’une partie croissante des opinions publiques occidentales. L’image d’un forum où milliardaires, PDG et décideurs politiques débattent à huis clos de l’avenir de l’humanité dans une station huppée alimente un ressentiment profond.
Cette perception alimente le rejet des institutions globales et nourrit les dynamiques populistes. Le WEF, loin de faire consensus, cristallise désormais les colères : il est perçu comme le cœur idéologique d’un système mondialisé en crise de légitimité.

Face aux critiques, le Forum économique mondial multiplie les gestes d’ouverture : inclusion de jeunes leaders, mise en avant de problématiques sociales ou climatiques, partenariats avec certaines ONG. Mais ces efforts relèvent souvent du marketing institutionnel plus que d’un changement de paradigme.
Tant que les structures de pouvoir, de financement et de prise de décision resteront concentrées entre les mains des mêmes acteurs privés, ces ajustements resteront perçus comme superficiels. La survie du WEF à moyen terme dépendra de sa capacité à se transformer en profondeur — ou à être dépassé par d’autres plateformes plus légitimes.

Dans un monde de plus en plus polarisé, le Forum économique mondial ne peut plus se contenter d’incarner un modèle unique de gouvernance globale. Il est confronté à une triple remise en cause : géopolitique, démocratique et sociale. À moins d’opérer une refondation authentique — basée sur la transparence, la représentativité et la pluralité des modèles — le WEF risque de devenir une institution symboliquement vide, utile aux puissants mais disqualifiée aux yeux des peuples. Son avenir ne pourra être durable que s’il accepte de sortir de l’entre-soi et d’ouvrir un véritable débat mondial.