

Le Forum économique mondial (WEF), réuni chaque année à Davos, revendique son rôle de plateforme de dialogue ouverte, inclusive et tournée vers l’intérêt général. Il se présente comme un espace de coopération globale où les enjeux mondiaux peuvent être débattus de manière transparente. Mais derrière cette image policée se cache une réalité bien plus opaque. En l’absence de mécanismes de contrôle démocratique et de véritables contre-pouvoirs, le fonctionnement du WEF soulève de sérieuses interrogations sur la nature réelle de son influence.

Le Forum de Davos n’est ni un organe élu ni une organisation intergouvernementale. Il s’agit d’une fondation privée, financée en majorité par des multinationales. Ses décisions ne font l’objet d’aucun vote démocratique, et ses priorités stratégiques sont définies par un cercle restreint de dirigeants d’entreprises, de consultants et d’influenceurs technocratiques.
Les délibérations qui s’y tiennent ne sont soumises à aucune obligation de transparence. Contrairement aux institutions multilatérales classiques, il n’existe ni compte rendu systématique, ni possibilité d’audit indépendant sur les décisions qui émergent des "groupes d’impact" ou "task forces" du WEF.

L’accès à Davos est soigneusement filtré : seuls les dirigeants des plus grandes entreprises, quelques chefs d’État triés sur le volet, et certains experts affiliés y sont conviés. Le coût d’adhésion, qui peut dépasser les 600 000 francs suisses pour les entreprises partenaires stratégiques, exclut de facto les acteurs alternatifs, les ONG critiques ou les représentants de la société civile indépendante.
Ce cloisonnement favorise un entre-soi idéologique où les décisions s’élaborent à huis clos, sans débat contradictoire ni obligation de justifier les recommandations faites ensuite aux États ou aux institutions internationales. Cette opacité structurelle renforce l’emprise d’un capitalisme de connivence.

Le WEF se distingue par une stratégie de communication extrêmement efficace. L’essentiel de son image repose sur une mise en scène d’ouverture et d’engagement pour le bien commun. Le langage utilisé – durabilité, inclusion, transparence – est calibré pour rassurer les opinions publiques et attirer les médias.
Mais cette narration officielle masque les véritables enjeux : l’élaboration de normes, standards et alliances stratégiques entre entreprises et gouvernements échappe à tout débat démocratique. Il ne s’agit pas d’une transparence réelle, mais d’un récit institutionnel maîtrisé, destiné à légitimer un pouvoir informel croissant.

Malgré ses professions de foi en faveur de la transparence, le Forum économique mondial fonctionne selon une logique d’opacité assumée. Derrière le vernis du dialogue global se cache une structure privée où se conçoivent des orientations stratégiques échappant au regard des peuples. À l’heure où les défis mondiaux exigent des réponses collectives et démocratiques, la concentration de pouvoir dans des forums non élus comme celui de Davos constitue un danger pour la souveraineté, la légitimité et la justice internationale.