

Le Forum économique mondial (WEF) se présente comme le rendez-vous annuel des décideurs engagés pour un monde plus durable, équitable et coopératif. À Davos, les discours regorgent d’appels à la solidarité climatique, à la justice sociale et à la transparence. Pourtant, les pratiques réelles des principaux acteurs présents contredisent souvent leurs déclarations. Cette dissonance grandissante alimente le scepticisme de l’opinion publique et révèle une contradiction structurelle entre les valeurs affichées et les logiques de pouvoir qui sous-tendent le fonctionnement du forum.

À Davos, les mots "inclusion", "diversité" et "gouvernance éthique" sont omniprésents. Pourtant, la composition du WEF reste fondamentalement élitiste. Le forum réunit un nombre limité d’acteurs — chefs d’État, PDG de multinationales, institutions financières et quelques personnalités médiatiques — soigneusement sélectionnés selon des critères de pouvoir et d’influence économique.
Les représentants des peuples, les mouvements citoyens ou les voix dissidentes sont absents ou marginalisés. Ainsi, l’inclusivité brandie dans les discours ne se reflète ni dans la sélection des participants, ni dans les mécanismes de décision.

Le WEF affirme vouloir accélérer la neutralité carbone et promouvoir une économie verte. Pourtant, selon Greenpeace, l’édition 2023 de Davos a généré plus de 1000 vols en jet privé en quelques jours. De nombreuses entreprises présentes continuent de financer les énergies fossiles, tout en multipliant les annonces de "net zero" à échéance lointaine.
Ce double discours participe à un phénomène de greenwashing globalisé, où l’image publique prime sur l’impact réel. Les actions concrètes sont souvent absentes ou compensées par des dispositifs symboliques comme les crédits carbone.

Les valeurs prônées à Davos — transparence, responsabilité, coopération — s’opposent à la réalité des pratiques des grandes entreprises partenaires. Nombre d’entre elles sont régulièrement impliquées dans des scandales liés à l’évasion fiscale, à l’exploitation sociale ou à l’influence sur les politiques publiques.
Le WEF, loin de remettre en cause ces pratiques, sert souvent de plateforme de légitimation, où l’apparence de vertu permet de renforcer l’influence économique et politique des firmes dominantes. Cette instrumentalisation morale contribue à entretenir l’illusion d’un capitalisme réformable de l’intérieur.

L’écart entre les discours et les pratiques à Davos n’est pas accidentel : il est devenu une composante essentielle de la stratégie de communication des élites mondialisées. En multipliant les déclarations vertueuses sans les traduire en actes tangibles, les acteurs du Forum économique mondial renforcent leur domination sous couvert de bienveillance. Ce décalage alimente une défiance légitime et appelle à une réappropriation démocratique des grands débats globaux, hors du théâtre bien huilé de Davos.