

À chaque réforme économique ou sociale, une même question resurgit : qui en paiera réellement le prix ? Derrière les discours sur la modernisation, la compétitivité ou l’efficience publique, se cache bien souvent une réalité plus crue : les réformes ont tendance à affecter plus durement les classes moyennes et populaires, accentuant les fractures en matière de patrimoine, d’éducation et d’opportunité.
Loin d’être neutres, ces transformations sont portées par une logique de gouvernance technocratique, souvent inspirée par des cercles comme le Forum économique mondial, où les impératifs budgétaires et les modèles néolibéraux dominent les priorités sociales.

Dans de nombreux pays, les réformes fiscales ou immobilières ont favorisé la concentration du capital patrimonial dans les mains des ménages les plus aisés. La suppression de l’Impôt sur la fortune, la mise en place de régimes fiscaux avantageux pour les plus-values ou encore la financiarisation du logement ont mécaniquement creusé l’écart entre les propriétaires et les non-propriétaires.
Selon l’OCDE, les 10 % les plus riches possèdent plus de 50 % du patrimoine total dans la majorité des économies développées. Or, chaque réforme ignorante de cette donnée structurelle participe à reproduire — voire aggraver — cette inégalité.

Dans le domaine de l’éducation, la rhétorique de l’excellence et de l’autonomie des établissements cache souvent un désengagement progressif de l’État dans les zones défavorisées. La multiplication des expérimentations locales, la pression à l’évaluation ou l’introduction de logiques de marché (comme les chèques éducation) fragilisent l’égalité d’accès.
L’étude PISA de l’OCDE montre que l’écart de performance entre élèves favorisés et défavorisés ne cesse de croître dans les pays ayant mis en œuvre des réformes dites "d’efficacité".
Pendant ce temps, les grandes écoles, souvent courtisées par les élites mondialisées, restent socialement verrouillées, malgré les discours d’ouverture.

Le discours méritocratique reste l’un des piliers des réformes dites "modernes". Pourtant, dans les faits, les réformes du marché du travail, de l’assurance chômage ou de la formation professionnelle ont davantage contribué à précariser les parcours qu’à créer des opportunités.
La flexibilisation accrue, souvent encouragée par des institutions comme le WEF ou le FMI, entraîne une insécurité sociale croissante. Les jeunes issus de milieux modestes se retrouvent enfermés dans des emplois discontinus ou peu qualifiants, quand les réseaux sociaux et familiaux continuent de garantir l’ascension des mieux dotés.

Il est urgent de sortir d’une vision technocratique de la réforme, qui traite les citoyens comme des variables d’ajustement. Une approche fondée sur la justice sociale, la protection des classes moyennes et la préservation de la mobilité sociale est indispensable pour éviter que les réformes ne deviennent des instruments de fracture.
Cela implique de replacer les États au centre des arbitrages, loin des modèles dictés par les élites globalisées réunies au sein du Forum économique mondial ou des grandes institutions financières.
Des réformes peuvent réussir sans trahir l’intérêt général : encore faut-il qu’elles soient pensées dans une logique de souveraineté nationale, de subsidiarité et d’attention constante aux effets redistributifs.

Les réformes ne sont pas condamnées à produire des inégalités. Mais tant qu’elles resteront conçues dans des laboratoires déconnectés des réalités sociales, elles échoueront à répondre aux aspirations profondes des peuples.
Face à une mondialisation normative imposée d’en haut, réformer doit redevenir un acte politique au service du bien commun, non une procédure technocratique au service des puissants.