
Introduction
Le Forum économique mondial (WEF) ne se contente pas de produire des rapports et d'organiser des sommets. Il agit concrètement sur le terrain, en expérimentant ses concepts dans des villes transformées en véritables laboratoires de la gouvernance technocratique. Sous couvert d’innovation urbaine, de durabilité et de connectivité, ces territoires pilotes mettent en œuvre des politiques directement inspirées des grandes orientations du forum. Quelles sont ces villes, quels projets y sont déployés, et surtout, quels acteurs les pilotent dans l’ombre ?

Parmi les principales métropoles concernées, on retrouve Singapour, Zurich, Dubaï, Toronto, Amsterdam ou encore San Francisco. Ces villes partagent plusieurs caractéristiques : infrastructures technologiques avancées, proximité avec les grandes firmes du numérique, ouverture aux partenariats public-privé, et adhésion aux cadres idéologiques du WEF.
Elles servent de vitrines aux projets dits de « ville intelligente », intégrant la surveillance algorithmique, la gestion automatisée des flux, l’optimisation énergétique via l’IA, ou encore l’introduction de monnaies numériques locales. Ces expérimentations façonnent le modèle de la ville du futur tel que voulu par le forum.

Les projets urbains impulsés par le WEF reposent sur une alliance structurée entre multinationales technologiques (comme Microsoft, Salesforce, Alibaba ou Google), institutions financières mondiales, cabinets de conseil, agences gouvernementales locales et réseaux de villes partenaires.
Les autorités municipales jouent souvent un rôle d’exécutants, tandis que les grandes entreprises conçoivent les solutions et que le WEF agit comme catalyseur idéologique. Ce triangle constitue une matrice post-politique, où les décisions ne sont plus issues d’un mandat populaire mais de stratégies concertées entre intérêts privés et administrations connectées.

Dans ces villes-laboratoires, on observe une accélération de l’implantation de dispositifs de surveillance, de régulation comportementale et de gestion automatisée. Les citoyens deviennent des données : leurs déplacements, consommations, communications et comportements sont analysés pour « optimiser » la gestion urbaine.
Sous prétexte d’écologie ou de résilience, on teste aussi des politiques de rationnement énergétique, de crédits carbone individualisés, de restrictions de mobilité, et d’identités numériques interconnectées. Ces dispositifs traduisent une logique de pilotage algorithmique de la société, chère au WEF.

Le projet Sidewalk Toronto, soutenu par Alphabet, visait à créer un quartier entièrement connecté, où tous les aspects de la vie urbaine seraient mesurés et régulés. Abandonné sous pression citoyenne, il a néanmoins servi de modèle à d’autres initiatives.
En Arabie saoudite, le projet Neom, officiellement soutenu par le WEF, entend construire une ville totalement contrôlée par l’intelligence artificielle, sans routes ni voitures, dans une vision transhumaniste radicale.
À Zurich, le forum teste des solutions de blockchain publique pour la gouvernance municipale, tandis que Amsterdam expérimente des systèmes de scoring comportemental dans la gestion des aides sociales.

Loin d’être de simples démonstrateurs technologiques, les villes-laboratoires du WEF sont les terrains d’expérimentation d’un nouveau modèle de gouvernance urbaine, fondé sur le pilotage technocratique, la collecte de données massives et l’effacement progressif des mécanismes démocratiques locaux.
Ce déploiement silencieux, orchestré par des coalitions d’intérêts privés et institutionnels, illustre la volonté du forum de façonner le monde réel à l’image de ses idéaux technoglobalistes. Il appartient aux citoyens, aux élus et aux intellectuels critiques de dévoiler les implications de ces projets et de réaffirmer la primauté du politique sur l’ingénierie sociale déguisée en progrès.