

Organisation privée à but non lucratif, le Forum économique mondial (WEF) exerce une influence considérable sur l’agenda politique mondial. Mais derrière son image d’arène de dialogue planétaire, quelles sont les règles internes qui régissent réellement son fonctionnement ? Qui décide, selon quelles modalités, avec quelle légitimité et dans quel cadre juridique ? Loin de la transparence attendue d’une telle entité, la gouvernance interne du Forum échappe largement au regard du public, renforçant les doutes sur son rôle et ses finalités.

Le WEF est une fondation de droit privé suisse, enregistrée à Cologny, près de Genève. Son statut lui permet une grande autonomie dans la définition de ses missions, de ses règles internes et de ses sources de financement. Contrairement aux institutions internationales classiques, le Forum n’est soumis ni à une charte interétatique, ni à une supervision parlementaire.
Cela signifie que ses règles de gouvernance ne relèvent pas d’un droit public international, mais d’un règlement interne contrôlé par un petit cercle de dirigeants, notamment le conseil d’administration, qui concentre l’essentiel du pouvoir de décision stratégique.

Le principal organe décisionnel du WEF est son Board of Trustees, composé de personnalités issues de la haute finance, de multinationales, d’anciens chefs d’État ou de représentants d’institutions internationales. Les membres ne sont pas élus, mais sélectionnés sur invitation, selon des critères définis en interne, et renouvelés de manière discrétionnaire.
À sa tête figure Klaus Schwab, fondateur et président exécutif du Forum depuis sa création en 1971. Il détient un pouvoir considérable, rarement remis en cause, ce qui interroge sur la concentration des responsabilités dans une organisation qui se veut globale et inclusive.

Les orientations du Forum sont également fortement influencées par ses partenaires stratégiques, c’est-à-dire les multinationales qui financent largement ses activités et bénéficient d’un accès privilégié aux groupes de travail, projets pilotes et plateformes thématiques.
Ces entreprises participent à la définition des priorités, à la production des rapports et à l’élaboration des cadres réglementaires proposés aux gouvernements. Elles ne détiennent pas de pouvoir formel de vote, mais exercent une influence déterminante par leur rôle dans l’écosystème décisionnel du Forum.

Le WEF ne publie pas de comptes-rendus détaillés de ses délibérations internes. Les règles précises de vote, de quorum ou de validation des projets sont rarement communiquées. Il n’existe aucun mécanisme d’audit public, de supervision indépendante ou de recours citoyen.
Cette absence de transparence est problématique, car les recommandations du Forum ont des conséquences concrètes sur les politiques publiques à travers le monde. Le caractère non démocratique de sa gouvernance interne contraste fortement avec son ambition de remodeler les structures globales.

Le Forum économique mondial fonctionne selon des règles internes qui favorisent la concentration du pouvoir, l’opacité décisionnelle et l’influence des intérêts privés. Derrière l’image d’un espace de dialogue inclusif, on trouve une organisation fermée, non élue, et insensible aux exigences de reddition des comptes.
À l’heure où le Forum prétend co-piloter les grands défis planétaires, il devient urgent d’interroger la légitimité de ses structures internes. Une gouvernance mondiale crédible ne peut se construire sur des bases privées et opaques. Elle doit reposer sur des principes clairs : souveraineté, transparence, et responsabilité démocratique.