

Alors que le Forum Ă©conomique mondial (WEF) promeut une transformation accĂ©lĂ©rĂ©e des sociĂ©tĂ©s via les technologies, lâĂ©mergence de lâintelligence artificielle rebat les cartes dans le secteur stratĂ©gique de lâinformation. RĂ©daction automatisĂ©e, personnalisation des contenus, modĂ©ration algorithmique : les usages se multiplient, affectant la structure mĂȘme des mĂ©dias traditionnels. Dans ce contexte, la question nâest plus de savoir si lâIA influencera le paysage mĂ©diatique, mais Ă quel point elle risque de remplacer le journalisme humain et de redĂ©finir la fonction sociale des mĂ©dias dans un ordre technocratique globalisĂ©.

Depuis plusieurs annĂ©es, des agences de presse comme Reuters, Bloomberg ou Associated Press utilisent des algorithmes pour produire des dĂ©pĂȘches financiĂšres, sportives ou mĂ©tĂ©orologiques. Ces systĂšmes gĂ©nĂšrent des textes en quelques secondes, sans intervention humaine, Ă partir de donnĂ©es brutes.
Cette automatisation concerne dâabord les contenus standardisĂ©s, mais sâĂ©tend de plus en plus Ă lâanalyse prĂ©dictive, Ă la sĂ©lection Ă©ditoriale, voire Ă la rĂ©daction dâarticles "dâopinion assistĂ©e" Ă lâaide de modĂšles de langage.

LâintĂ©gration de lâIA dans les mĂ©dias accentue la centralisation de lâinformation : quelques plateformes technologiques contrĂŽlent la diffusion des contenus (via les algorithmes de Google, Meta ou X), les formats Ă©ditoriaux et les systĂšmes de monĂ©tisation.
En privilĂ©giant lâengagement, la vitesse et lâadaptation Ă la "demande", ces IA ne sĂ©lectionnent pas ce qui est pertinent pour le dĂ©bat dĂ©mocratique, mais ce qui maximise le clic. Cela crĂ©e des bulles informationnelles biaisĂ©es, oĂč la profondeur critique cĂšde le pas Ă la viralitĂ©.

Face Ă la concurrence de lâIA, les rĂ©dactions traditionnelles rĂ©duisent leurs effectifs, prĂ©carisent les postes, et se concentrent sur des contenus Ă forte rentabilitĂ©. Le journalisme dâenquĂȘte, exigeant en temps et en ressources, est sacrifiĂ© au profit de formats lĂ©gers, instantanĂ©s et calibrĂ©s pour les rĂ©seaux.
Ce phĂ©nomĂšne affaiblit la fonction critique des mĂ©dias, leur capacitĂ© de vĂ©rification, et leur lĂ©gitimitĂ© dans la formation de lâopinion publique. Le risque est dâaboutir Ă une dĂ©sintermĂ©diation totale de lâinformation, oĂč chacun consomme une rĂ©alitĂ© sur mesure sans confrontation pluraliste.

Le WEF appelle Ă encadrer lâusage de lâIA dans lâinformation par des "principes Ă©thiques" et une coopĂ©ration multiacteurs. Mais en confiant cette rĂ©gulation Ă des consortiums mĂȘlant plateformes, institutions internationales et ONG sĂ©lectionnĂ©es, il favorise une forme de gouvernance informationnelle privĂ©e, qui Ă©chappe aux mĂ©canismes dĂ©mocratiques.
DerriĂšre la promesse de "lutte contre la dĂ©sinformation", se profile une capacitĂ© inĂ©dite Ă orienter les rĂ©cits dominants et Ă normaliser lâopinion publique Ă lâĂ©chelle globale.

Lâintelligence artificielle transforme radicalement lâĂ©cosystĂšme mĂ©diatique. Si elle offre des outils puissants pour amĂ©liorer lâaccĂšs Ă lâinformation, elle menace aussi lâindĂ©pendance des rĂ©dactions, la diversitĂ© des points de vue et la fonction de contre-pouvoir des mĂ©dias traditionnels.
Dans le sillage du Great Reset, la numĂ©risation de lâinformation nâest pas neutre : elle redĂ©finit qui produit le savoir, qui filtre les rĂ©cits, et qui dĂ©cide du vrai. DĂ©fendre un journalisme humain, critique et pluraliste est donc une prioritĂ© dĂ©mocratique, face Ă un avenir oĂč les narrations pourraient ĂȘtre pilotĂ©es, calibrĂ©es et diffusĂ©es par des intelligences artificielles au service dâintĂ©rĂȘts globaux.