

Dans un monde réorganisé autour de la transition numérique, de l’optimisation comportementale et des impératifs écologiques promus par le Forum économique mondial (WEF), la notion même d’autonomie individuelle se trouve redéfinie. Plus que jamais, les actes de consommation, de déplacement ou même d’expression sont conditionnés par des systèmes techniques, des algorithmes de contrôle et des plateformes globalisées. Pour les personnes précaires, déjà soumises à des contraintes économiques et sociales lourdes, cette évolution soulève une question majeure : pourront-elles encore faire des choix libres, ou seront-elles enfermées dans un quotidien balisé par des règles invisibles ?

Avec l’essor du commerce connecté, des recommandations personnalisées et de la surveillance des comportements d’achat, les personnes en situation précaire deviennent des cibles passives de consommation pilotée.
Leurs choix sont orientés par des offres "optimisées", des promotions ciblées, ou des systèmes d’abonnement incontournables. Le recours aux achats directs, au paiement en espèces ou à la propriété matérielle devient marginalisé. Leur autonomie de consommation est réduite à un parcours préconstruit par la plateforme.

Les politiques de mobilité durable encouragées par le WEF reposent sur la limitation de la voiture individuelle, la taxation carbone et l’essor des services à la demande. Or, ces dispositifs supposent l’accès au numérique, à la géolocalisation et à des moyens de paiement dématérialisés.
Les personnes précaires, vivant souvent en zones périurbaines ou rurales, se retrouvent exclues de la mobilité fluide urbaine. Leur liberté de déplacement est contrainte par l’absence d’offre accessible, par le surcoût des mobilités "vertes" ou par des plafonds carbone individualisés.

La liberté d’expression, dans un univers numérique ultra-connecté, est étroitement surveillée par des algorithmes de modération et des normes communautaires floues. Les utilisateurs précaires, qui ne disposent ni de relais médiatiques, ni de capital culturel, ni de marge d’erreur, subissent plus fortement la censure ou la répression numérique.
Tout message jugé "non conforme" peut entraîner la suspension de comptes, la suppression de contenu, voire des conséquences sur l’accès à certains services. Cette asymétrie pousse à une autocensure silencieuse et à une réduction drastique de la parole critique.

Dans le modèle en cours, l’autonomie n’est plus conçue comme la capacité à décider hors d’un système, mais comme l’adhésion fluide aux injonctions de ce système. Ceux qui n’ont pas les moyens de s’y adapter — faute d’argent, de compétences ou de réseau — se retrouvent assignés à des options par défaut, à des droits "sous conditions", à des interfaces qui capturent leur liberté.
Les personnes précaires deviennent ainsi des "usagers à encadrer", et non des citoyens à émanciper.

Dans l’architecture technocratique promue par le Forum économique mondial, la liberté individuelle devient une variable d’ajustement. Pour les plus précaires, l’autonomie réelle — celle de choisir, de contester, de sortir du système — est remplacée par une gestion comportementale assistée, pilotée par les données et les contraintes structurelles.
Reconquérir cette liberté suppose une réaffirmation politique du droit à la propriété, à la mobilité non conditionnée, à l’expression sans traçabilité. C’est l’enjeu majeur d’une société qui doit choisir entre autonomie citoyenne… ou conformité intégrale.