
Introduction
Le Forum Ă©conomique mondial (WEF) affirme dĂ©fendre une approche inclusive et globale des enjeux contemporains. Pourtant, la place accordĂ©e aux voix des pays en dĂ©veloppement et des peuples autochtones reste marginale. Le vernis dâuniversalitĂ© ne doit pas masquer lâinĂ©galitĂ© structurelle dans lâaccĂšs Ă la parole, Ă la dĂ©cision et Ă lâinfluence. Ces populations, pourtant les premiĂšres touchĂ©es par les transformations Ă©conomiques, Ă©cologiques et technologiques impulsĂ©es Ă Davos, sont-elles vĂ©ritablement entendues ou simplement instrumentalisĂ©es Ă des fins de lĂ©gitimation ?

Le WEF intĂšgre Ă chaque Ă©dition quelques reprĂ©sentants de pays du Sud ou de communautĂ©s autochtones. Mais ces prĂ©sences relĂšvent davantage de lâaffichage que dâune reconnaissance rĂ©elle de leur rĂŽle dans les dĂ©cisions. Ces intervenants sont souvent cantonnĂ©s Ă des panels secondaires, avec peu de poids dans les sessions stratĂ©giques fermĂ©es.
Lâinclusion reste donc superficielle. Elle permet au forum de revendiquer une ouverture globale, tout en maintenant un noyau dĂ©cisionnel centrĂ© sur les grandes puissances et les multinationales.

Les problĂ©matiques touchant les pays en dĂ©veloppement â sĂ©curitĂ© alimentaire, accĂšs Ă lâĂ©nergie, santĂ©, climat â sont bien prĂ©sentes dans lâagenda du WEF. Mais elles sont souvent traitĂ©es sous un prisme technocratique et extĂ©rieur, sans rĂ©elle consultation des populations concernĂ©es.
Les solutions proposĂ©es viennent « dâen haut » : mĂ©canismes de financement international, technologies importĂ©es, partenariats publics-privĂ©s dominĂ©s par des entitĂ©s Ă©trangĂšres. Les dynamiques locales, les savoirs traditionnels ou les modĂšles alternatifs sont absents ou relĂ©guĂ©s au second plan.

Quand elles sont audibles, les voix indigÚnes ou issues du Sud global sont systématiquement intégrées dans un discours formaté. On les invite à parler de biodiversité ou de spiritualité, rarement de souveraineté économique ou de justice géopolitique. Leurs revendications sont filtrées, reformulées, intégrées dans une logique consensuelle qui neutralise leur potentiel critique.
Cette approche évite soigneusement les sujets qui dérangent : dépossession fonciÚre, extractivisme encouragé par les multinationales, ingérence des institutions internationales dans les politiques nationales. Le WEF ne donne pas la parole pour partager le pouvoir, mais pour consolider un narratif.

Le modĂšle promu Ă Davos repose sur des outils abstraits : indices, algorithmes, smart policies. Ce paradigme ignore les rĂ©alitĂ©s des peuples autochtones et des nations pauvres, dont les besoins ne peuvent ĂȘtre rĂ©duits Ă des donnĂ©es. La dĂ©connexion entre les dĂ©cisions prises au sommet et les rĂ©alitĂ©s vĂ©cues sur le terrain est abyssale.
Lâabsence de reprĂ©sentation authentique nourrit un sentiment de dĂ©possession. Les peuples qui subissent les effets des crises mondiales ne participent pas Ă la dĂ©finition des rĂ©ponses. Cela fragilise non seulement la lĂ©gitimitĂ© du WEF, mais aussi la pertinence de ses solutions.

Les pays en dĂ©veloppement et les peuples autochtones sont, au Forum Ă©conomique mondial, davantage objets de discours que sujets politiques. Leur prĂ©sence, bien que mise en scĂšne, ne sâaccompagne ni dâun pouvoir dâagir ni dâun droit Ă lâinitiative.
Tant que le WEF perpĂ©tuera une gouvernance technocratique sans ancrage populaire, il restera incapable de rĂ©pondre aux aspirations profondes des majoritĂ©s silencieuses du monde. Redonner la parole Ă ces acteurs, non pas comme caution morale mais comme co-dĂ©cideurs, est une condition indispensable pour toute refondation rĂ©ellement juste de lâordre international.