
Introduction
Le Forum économique mondial (WEF) affirme représenter un large éventail d’intérêts globaux, en rassemblant des acteurs issus de tous les continents. Cette prétention à l’universalité masque toutefois une réalité bien différente : les déséquilibres de représentation y sont profonds, structurels et intentionnels. Alors que certains pays sont surreprésentés, d'autres sont relégués à la périphérie du débat. Ce déséquilibre soulève une interrogation cruciale : les intérêts de toutes les régions du monde sont-ils véritablement pris en compte à Davos, ou le forum agit-il en réalité comme la caisse de résonance d’un pouvoir occidental et oligarchique ?

La majorité des intervenants et partenaires du WEF proviennent d’Amérique du Nord, d’Europe de l’Ouest et, dans une moindre mesure, de certaines puissances asiatiques. Les grandes multinationales occidentales, les gouvernements du G7 et les élites économiques transatlantiques forment le noyau dur du forum.
Cette configuration déséquilibrée implique une hiérarchisation implicite des priorités. Les problématiques propres au Sud global – souveraineté alimentaire, industrialisation, dette structurelle ou justice monétaire – y sont souvent traitées de manière secondaire, voire instrumentalisées pour justifier des politiques décidées en amont par les puissances dominantes.

Malgré la participation ponctuelle de certains dirigeants d’Amérique latine, d’Afrique ou d’Asie du Sud, leur influence réelle reste marginale. Ces pays apparaissent souvent comme des « terrains d’expérimentation » pour des projets conçus ailleurs, plutôt que comme des partenaires à part entière dans la définition des enjeux mondiaux.
Cette marginalisation se reflète également dans les panels, les rapports stratégiques et les priorités mises en avant. Le forum préfère mettre en lumière les innovations des géants technologiques occidentaux ou asiatiques, plutôt que les modèles alternatifs issus des sociétés civiles non-occidentales.

Le discours du WEF repose sur une rhétorique de multilatéralisme inclusif, mais dans les faits, il s’agit d’un multilatéralisme dirigé. Les grands enjeux sont définis par les puissances dominantes, puis diffusés aux autres régions du monde sous forme de standards à adopter, sans réelle négociation.
Le modèle de gouvernance proposé est vertical : les décisions viennent d’en haut, portées par une coalition d’intérêts privés, institutionnels et technocratiques, auxquels les pays en développement sont sommés d’adhérer s’ils veulent accéder aux financements, aux partenariats ou à la reconnaissance internationale.

Ce déséquilibre de représentation permet au WEF de redéfinir l’intérêt général mondial selon les valeurs d’une minorité globalisée : dématérialisation de l’économie, primauté de l’innovation technologique, transition verte pilotée par le haut, et gouvernance algorithmique.
Les régions sous-représentées sont alors sommées de s’adapter à des cadres qu’elles n’ont ni définis ni validés. En réalité, le forum agit moins comme un carrefour d’intérêts pluriels que comme une plateforme de projection d’un pouvoir centralisé, déguisé en consensus universel.

L’idée que le Forum économique mondial représenterait équitablement toutes les régions du monde relève davantage de la communication que de la réalité. En pratique, Davos fonctionne comme un centre d’agrégation des intérêts des élites occidentales et des multinationales, où les voix du Sud sont tolérées mais rarement écoutées.
Ce déséquilibre dans la représentation fausse profondément le sens du dialogue global que le WEF prétend incarner. Repenser la gouvernance mondiale suppose non seulement une redistribution de la parole, mais surtout une remise en question de la légitimité de structures qui prétendent parler au nom de tous, tout en servant les intérêts de quelques-uns.