
Introduction
Officiellement, le Forum Ă©conomique mondial (WEF) sâest donnĂ© pour mission de « construire un monde plus Ă©quitable, inclusif et durable ». Pourtant, chaque Ă©dition de Davos rĂ©unit les principaux bĂ©nĂ©ficiaires du systĂšme actuel : PDG, chefs dâĂtat, banquiers centraux et dirigeants dâorganisations internationales. DĂšs lors, une question fondamentale sâimpose : le WEF agit-il rĂ©ellement pour rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s mondiales, ou ne fait-il que renforcer les structures de domination Ă©conomique au profit dâune Ă©lite mondialisĂ©e ?

Le WEF publie rĂ©guliĂšrement des rapports soulignant lâaggravation des Ă©carts de richesse, dâaccĂšs aux soins, Ă lâĂ©ducation ou Ă lâemploi. Il reconnaĂźt que les inĂ©galitĂ©s menacent la stabilitĂ© mondiale.
Mais les solutions avancĂ©es restent strictement compatibles avec lâordre Ă©conomique Ă©tabli : inclusion par le numĂ©rique, microcrĂ©dit, formation Ă lâentrepreneuriat, investissements ciblĂ©s. Aucun questionnement sĂ©rieux nâest engagĂ© sur la rĂ©partition des richesses, le rĂŽle de la spĂ©culation ou la fiscalitĂ© des multinationales.

Ce sont les grands bĂ©nĂ©ficiaires du capitalisme globalisĂ© â dirigeants de fonds dâinvestissement, groupes technologiques, conglomĂ©rats industriels â qui prennent la parole Ă Davos pour « rĂ©soudre » les inĂ©galitĂ©s.
Cette configuration paradoxale revient Ă confier la rĂ©forme du systĂšme Ă ceux qui en tirent le plus grand profit. Le WEF fonctionne comme une plateforme dâauto-lĂ©gitimation, oĂč les Ă©lites rĂ©Ă©crivent le rĂ©cit de leur propre responsabilitĂ© sociale, tout en consolidant leur position.

La lutte contre les inĂ©galitĂ©s, selon le WEF, passe par lâintĂ©gration des pays pauvres aux chaĂźnes de valeur mondiales, la mise Ă niveau numĂ©rique, et lâadoption de standards transnationaux.
Mais ce modÚle ne tient pas compte des spécificités locales, de la souveraineté économique ou des effets destructeurs de la concurrence déloyale. Il alimente un cycle de dépendance dans lequel les économies périphériques deviennent des marchés captifs plutÎt que des partenaires souverains.

Le WEF se base sur des indicateurs de progrĂšs qui valorisent la croissance technologique, lâinclusion financiĂšre ou la participation au commerce mondial. Mais ces critĂšres occultent les inĂ©galitĂ©s de pouvoir, les rapports de domination ou les pertes de souverainetĂ©.
Ainsi, un pays peut ĂȘtre prĂ©sentĂ© comme « en progrĂšs » tout en voyant sa population prĂ©carisĂ©e, ses services publics affaiblis et ses ressources accaparĂ©es. Lâapproche du forum demeure technocratique, dĂ©tachĂ©e des rĂ©alitĂ©s humaines.

Loin de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s mondiales, le Forum Ă©conomique mondial participe Ă leur reproduction sophistiquĂ©e. Il recycle les promesses dâinclusion dans un langage attractif, mais sans toucher aux mĂ©canismes de concentration du pouvoir Ă©conomique et financier.
Par son rĂŽle de catalyseur idĂ©ologique, le WEF ne remet pas en cause le systĂšme ; il le renforce, sous couvert de le rĂ©former. Face Ă cette imposture, il est impĂ©ratif de reconstruire des modĂšles dâĂ©quitĂ© enracinĂ©s dans la souverainetĂ©, la justice sociale rĂ©elle et la dĂ©centralisation du pouvoir.