

Depuis plusieurs années, le Forum économique mondial (WEF) est confronté à une défiance croissante de l’opinion publique. Critiqué pour son élitisme, son opacité et son rôle dans la consolidation du pouvoir des grandes multinationales, le sommet de Davos suscite des réactions de plus en plus hostiles, tant dans les cercles altermondialistes que parmi les citoyens ordinaires. Face à cette contestation, le WEF tente d’ajuster sa posture : inclusion de nouveaux profils, adoption d’un langage plus social, mise en avant de problématiques environnementales. Mais ces efforts relèvent-ils d’un changement structurel ou d’une opération de communication destinée à préserver son influence ?

Conscient de la montée des critiques, le WEF a profondément modifié son langage. Aux termes comme "compétitivité" et "croissance" se sont ajoutés ceux d’"inclusion", de "justice climatique" ou de "résilience". Des figures issues de la jeunesse, des pays du Sud ou du monde associatif sont désormais conviées à Davos, dans une logique de diversification apparente.
Cependant, ces ajustements ne modifient pas la structure profonde du forum : les priorités restent dictées par les grandes entreprises partenaires, les décisions se prennent à huis clos, et les solutions proposées s’inscrivent toujours dans le paradigme du capitalisme globalisé.

Le WEF a bien saisi l’importance de l’image dans la bataille de la légitimité. En intégrant des thèmes porteurs — égalité des genres, inclusion numérique, justice climatique — il cherche à capter l’attention des jeunes générations et des médias progressistes. Mais ces efforts relèvent souvent du discours performatif, sans débouchés politiques concrets.
Ce phénomène, qualifié de "stakeholder-washing", consiste à adopter les codes du changement pour mieux préserver les équilibres existants. Le langage du progrès devient alors un outil de préservation du pouvoir, et non un levier de transformation.

Face aux accusations d’opacité, le Forum économique mondial a renforcé sa communication : retransmission publique de panels, publication de rapports, interactions en ligne. Mais cette transparence reste sélective. Les véritables échanges stratégiques, les négociations d’influence et les accords informels continuent de se faire loin des projecteurs.
Ce dispositif permet de projeter une image d’ouverture tout en maintenant le contrôle sur les leviers réels de décision. Le WEF donne à voir une scène participative, mais celle-ci masque la mécanique d’un pouvoir discrétionnaire exercé par une minorité mondialisée.

L’adaptation du WEF face aux critiques relève avant tout d’une stratégie de préservation. En renouvelant sa rhétorique, en diversifiant ses intervenants et en mettant en scène une transparence partielle, il cherche à contenir la contestation sans remettre en cause son modèle. Pourtant, dans un contexte de polarisation et de demande croissante de souveraineté démocratique, ces ajustements cosmétiques risquent de se révéler insuffisants. Si le Forum économique mondial souhaite encore peser à l’avenir, il devra faire plus que se rebrander : il lui faudra renoncer à sa fonction de chambre d’écho des puissances économiques pour devenir un véritable espace de confrontation pluraliste et responsable.