

Le Forum Ă©conomique mondial (WEF) se positionne comme un catalyseur de solutions globales Ă travers une multitude dâinitiatives sur des thĂšmes variĂ©s : climat, intelligence artificielle, finance durable, sĂ©curitĂ© alimentaire ou santĂ© mondiale. Mais derriĂšre cette prolifĂ©ration de projets, une question cruciale reste trop souvent ignorĂ©e : existe-t-il des mĂ©canismes rigoureux et transparents dâĂ©valuation de lâefficacitĂ© de ces initiatives ? Autrement dit, le WEF mesure-t-il rĂ©ellement lâimpact concret de ses actions sur les sociĂ©tĂ©s quâil prĂ©tend transformer ?

Le WEF publie rĂ©guliĂšrement des rapports dâavancement, des tableaux de bord (dashboards) et des index â comme le Global Competitiveness Report ou le Global Risks Report â qui servent Ă illustrer lâĂ©volution des tendances mondiales. Ces documents sâappuient sur des donnĂ©es quantitatives, souvent fournies par des partenaires privĂ©s ou des institutions affiliĂ©es.
Cependant, ces outils sont produits en interne ou par des cabinets partenaires, et ne font lâobjet dâaucune vĂ©rification indĂ©pendante. Ils permettent au Forum de se positionner comme acteur prospectif, mais ne constituent pas des instruments dâĂ©valuation neutres ou auditables par des tiers.

Contrairement aux institutions publiques ou aux organisations internationales classiques, le WEF nâest soumis Ă aucun mĂ©canisme dâaudit externe obligatoire. Il ne publie ni bilan dâefficacitĂ© global, ni Ă©valuation critique indĂ©pendante de ses projets.
Les initiatives comme le Centre pour la quatriĂšme rĂ©volution industrielle, les missions Net Zero ou les Global Shapers sont frĂ©quemment mises en avant lors des rĂ©unions annuelles, mais peu dâĂ©lĂ©ments permettent dâen mesurer objectivement les rĂ©sultats ou les effets rĂ©els sur les populations concernĂ©es.
En lâabsence de mĂ©canismes de redevabilitĂ© (accountability), il est difficile de distinguer les succĂšs rĂ©els des simples effets dâannonce.

La finalitĂ© du WEF semble moins orientĂ©e vers la rĂ©solution concrĂšte de problĂšmes que vers la structuration des rĂ©cits globaux. Son efficacitĂ© ne se mesure pas tant en rĂ©sultats quâen influence idĂ©ologique : intĂ©gration des concepts promus (ESG, stakeholder capitalism, innovation inclusive) dans les agendas publics et privĂ©s.
Câest lĂ le cĆur du paradoxe : le WEF façonne les standards de performance pour les autres, mais sâexonĂšre de toute Ă©valuation sĂ©rieuse de ses propres performances. Son rĂŽle de prescripteur global nâest encadrĂ© ni par des exigences de transparence, ni par des rĂ©sultats objectivables.

Le Forum Ă©conomique mondial ne dispose pas de mĂ©canismes crĂ©dibles dâĂ©valuation de lâimpact de ses initiatives. Il fonctionne selon une logique dâauto-validation, oĂč les objectifs sont fixĂ©s, suivis et validĂ©s par les mĂȘmes acteurs qui les ont dĂ©finis. Cette absence de contrĂŽle indĂ©pendant fragilise la lĂ©gitimitĂ© des orientations stratĂ©giques promues Ă lâĂ©chelle mondiale.
Dans un contexte oĂč ses propositions influencent de plus en plus les politiques publiques, lâopacitĂ© de ces mĂ©canismes dâĂ©valuation constitue un angle mort dĂ©mocratique majeur. Exiger des audits transparents, des Ă©valuations externes et une rĂ©elle reddition de comptes nâest pas une option idĂ©ologique, mais une exigence de responsabilitĂ© globale.