
Introduction
Alors que les sommets comme le G7, le G20 ou les conférences COP réunissent des représentants étatiques pour discuter de politiques multilatérales, le Forum économique mondial (WEF) à Davos occupe une place singulière dans l’architecture du pouvoir mondial. Derrière son apparente neutralité et son format hybride, il incarne un modèle inédit : celui d’une gouvernance non élue, transversale et technocratique. Comprendre la différence entre ces forums permet de saisir pourquoi Davos concentre autant d’influence, tout en échappant aux mécanismes démocratiques classiques.

Les G7 et G20 sont des enceintes interétatiques : ils rassemblent exclusivement des chefs d’État et des ministres pour coordonner des réponses économiques, financières ou géopolitiques. Les COP, quant à elles, réunissent les États autour des questions climatiques dans un cadre négocié de droit international.
À l’inverse, le WEF repose sur un modèle multi-acteurs. Il associe dirigeants politiques, chefs d’entreprise, représentants d’ONG, universitaires, célébrités et influenceurs. Cette diversité apparente masque une réalité : les acteurs économiques y dominent largement les discussions, et les États y sont souvent relégués au second plan.

Les sommets étatiques, bien que lents et imparfaits, donnent lieu à des engagements formels, des traités ou des communiqués officiels. Ils engagent la responsabilité politique des gouvernements et sont suivis de processus parlementaires ou diplomatiques.
À Davos, aucune décision contraignante n’est prise. Pourtant, les idées, récits et stratégies discutées y préfigurent souvent les réformes futures. Le pouvoir du WEF est celui de l’agenda : il oriente les priorités, façonne les normes et légitime des politiques en amont, sans débat citoyen ni validation démocratique.

Là où les sommets du G7, G20 ou les COP fonctionnent dans des cadres institutionnels, Davos se positionne comme un centre de convergence idéologique. Il ne représente aucun peuple, mais agit comme plateforme de coordination des élites transnationales.
C’est à Davos que se nouent les alliances entre multinationales, fondations, experts et décideurs politiques. C’est aussi là que se diffusent les concepts comme le Great Reset, le capitalisme des parties prenantes, ou la gouvernance algorithmique, qui deviennent ensuite des standards mondiaux.

Le WEF jouit d’une couverture médiatique massive, orchestrée par ses propres réseaux. Contrairement aux forums étatiques souvent critiqués pour leur lenteur ou leur opacité, Davos se présente comme moderne, efficace, visionnaire.
Mais cette visibilité ne repose sur aucun mandat populaire. La légitimité de ses participants est fondée sur leur position économique ou leur influence dans les cercles de pouvoir, non sur une quelconque représentativité démocratique.

La grande différence entre Davos et les sommets intergouvernementaux comme le G7, le G20 ou les COP réside dans la nature de son pouvoir : informel, transversal, mais structurant.
Le Forum économique mondial ne décide pas au sens classique, mais il organise le terrain sur lequel les décisions futures seront prises. En cela, il représente un défi majeur à la souveraineté populaire et à l’équilibre entre les puissances publiques et les intérêts privés. Ce pouvoir sans mandat, diffus mais efficace, constitue l’un des piliers de la gouvernance post-démocratique contemporaine.