

Chaque année, les discours tenus à Davos lors du Forum économique mondial (WEF) regorgent d’engagements pour le climat, de promesses de neutralité carbone et de plaidoyers pour une économie durable. Pourtant, à mesure que les sommets se succèdent, une suspicion grandit : cette avalanche de déclarations vertes relèverait-elle davantage du greenwashing que d’un véritable engagement structurel ? Derrière les slogans séduisants, il convient d’examiner la cohérence entre les paroles et les actes des acteurs présents à Davos.

Le vocabulaire dominant à Davos a évolué : les élites économiques parlent désormais de "transition verte", de "croissance inclusive" et de "durabilité". Mais cette inflexion lexicale s’accompagne rarement de remises en question structurelles. Le WEF promeut une écologie compatible avec les intérêts des multinationales, fondée sur des solutions technologiques, des mécanismes de compensation et des délais à long terme.
Cette posture permet d’absorber les critiques tout en maintenant l’ordre économique établi. Comme le souligne le chercheur Jason Hickel, "la durabilité sans décroissance ni justice sociale n’est qu’un habillage cosmétique du système existant".

Le paradoxe est flagrant : les entreprises les plus présentes à Davos — Shell, BP, Meta, Google — figurent aussi parmi les plus grandes émettrices ou facilitatrices d’émissions de CO₂. Et pourtant, elles sont mises en avant comme des modèles de transition.
Grâce à des campagnes de communication bien rodées et des engagements lointains (2040, 2050), elles bénéficient d’un blanc-seing médiatique, tout en poursuivant des pratiques peu compatibles avec l’urgence climatique. Le greenwashing devient alors un outil stratégique : il neutralise la critique en affichant une vertu performative.

Les récits écologiques dominants à Davos sont souvent produits ou validés par de grands cabinets de conseil comme McKinsey, Boston Consulting Group ou des ONG partenaires qui partagent la même vision technocratique du changement. Ces structures contribuent à encadrer le discours, en évitant toute approche radicale ou réellement subversive.
En diffusant des indicateurs, classements et scénarios compatibles avec l’économie de marché mondialisée, elles participent à une mise en récit rassurante de la transition, éloignée des réalités sociales et géopolitiques du terrain.

À Davos, le greenwashing n’est pas un accident : il est devenu une stratégie de gouvernance. Sous couvert d’engagement climatique, les élites économiques et technocratiques consolident leur légitimité tout en différant les transformations profondes que la crise écologique exige. L’urgence n’est plus à l’habillage du système, mais à sa reconfiguration souveraine, démocratique et écologique — en rupture avec les logiques d’influence et de communication mises en scène par le Forum économique mondial.