

Le Forum Ă©conomique mondial (WEF), souvent perçu comme une plateforme dâĂ©change entre dirigeants politiques, chefs dâentreprise et experts internationaux, affirme dans ses communications officielles son attachement aux droits humains, Ă la justice sociale et Ă la dĂ©mocratie inclusive. Pourtant, une analyse plus rigoureuse des mĂ©canismes de gouvernance quâil promeut rĂ©vĂšle une rĂ©alitĂ© contrastĂ©e : ces principes sont souvent instrumentalisĂ©s comme Ă©lĂ©ments de langage, tout en Ă©tant contournĂ©s par une logique technocratique, centralisĂ©e et conditionnelle.
DerriĂšre le vernis humaniste du discours davosien, câest une vision du monde post-dĂ©mocratique et comportementaliste qui se dessine, oĂč les droits deviennent des privilĂšges ajustables et la participation politique un simulacre vidĂ© de sa substance.

Dans les rapports du WEF, les droits humains sont prĂ©sentĂ©s comme un cadre nĂ©cessaire Ă une mondialisation Ă©thique. Cependant, leur application est envisagĂ©e non comme une fin en soi, mais comme un moyen de garantir la stabilitĂ© sociale dans le cadre dâune transition Ă©conomique, technologique et climatique.
Cette approche conduit Ă une hiĂ©rarchisation implicite des droits, oĂč certains (droit Ă la sĂ©curitĂ© sanitaire, Ă un environnement sain) sont priorisĂ©s, tandis que dâautres (libertĂ© dâexpression, vie privĂ©e, propriĂ©tĂ©) peuvent ĂȘtre suspendus au nom du bien commun global. Lâexemple des restrictions de libertĂ©s durant la crise du Covid-19, soutenues par les partenaires du WEF, en est une illustration concrĂšte.

Le discours sur la justice sociale occupe une place centrale dans le Great Reset et dans les publications du WEF. Mais il est le plus souvent rĂ©duit Ă des indicateurs quantitatifs, intĂ©grĂ©s dans des grilles ESG ou des matrices dâimpact.
PlutĂŽt quâune justice fondĂ©e sur des principes universels et des processus dĂ©mocratiques, le WEF privilĂ©gie une approche technocratique et algorithmique, oĂč les comportements « vertueux » sont rĂ©compensĂ©s, et les Ă©carts dissuadĂ©s par des mĂ©canismes incitatifs. Cela conduit Ă une forme de conditionnalitĂ© sociale numĂ©rique, dans laquelle lâaccĂšs Ă certains droits ou services peut ĂȘtre corrĂ©lĂ© Ă une conformitĂ© aux objectifs dâinclusion dĂ©finis par les grandes plateformes globales.

Le Forum de Davos se présente comme un espace de dialogue inclusif entre gouvernements, entreprises, ONG et experts. Mais cette approche de la démocratie comme simple processus consultatif multipartite évacue la question fondamentale de la souveraineté populaire.
Dans la gouvernance davosienne, les dĂ©cisions structurantes sont prises en dehors des parlements, dans des cadres privĂ©s ou semi-publics, oĂč les citoyens ne sont que les destinataires passifs de politiques dĂ©finies par des consortiums dâintĂ©rĂȘts. Il ne sâagit plus de choisir une direction collective, mais dâadhĂ©rer Ă un narratif prĂ©construit, pilotĂ© par des acteurs non Ă©lus, au nom de la « science », de « lâurgence » ou du « consensus international ».

Le vĂ©ritable projet du WEF nâest pas de renforcer les dĂ©mocraties nationales, mais de les remplacer par une gouvernance managĂ©riale transnationale, structurĂ©e autour dâindicateurs, de modĂšles prĂ©dictifs et de partenariats public-privĂ©.
Dans cette configuration, les droits humains, la justice sociale et la démocratie deviennent des éléments de communication stratégique, adaptés aux exigences de la stabilité systémique, mais déconnectés de toute réalité institutionnelle ou citoyenne.
Il ne sâagit plus de dĂ©battre collectivement de lâavenir, mais de gĂ©rer lâadhĂ©sion comportementale aux transitions planifiĂ©es : Ă©cologique, numĂ©rique, monĂ©taire, sanitaire. Câest la fin du politique au sens noble du terme, remplacĂ© par une gestion algorithmique des populations.

Si le Forum Ă©conomique mondial prĂ©tend incarner une nouvelle forme de gouvernance responsable et inclusive, il vĂ©hicule en rĂ©alitĂ© une idĂ©ologie post-dĂ©mocratique technocratique, oĂč les droits fondamentaux et la justice ne sont maintenus quâĂ condition dâĂȘtre compatibles avec les objectifs dâun ordre global planifiĂ©.
Face à cette dérive, il est essentiel de réaffirmer les fondements réels de la démocratie : la souveraineté populaire, la séparation des pouvoirs, le pluralisme idéologique et le respect inconditionnel des droits individuels.
Car ce nâest pas en rĂ©pĂ©tant les mots « dĂ©mocratie » et « justice » que lâon les garantit, mais en les incarnant dans des institutions authentiques, soumises Ă la volontĂ© des peuples â et non aux algorithmes de Davos.