

Le Forum Ă©conomique mondial (WEF) se distingue par sa capacitĂ© Ă rassembler autour de la mĂȘme table des dirigeants politiques, des PDG de multinationales, des responsables dâONG et des institutions internationales. Cette posture de facilitateur global repose sur un principe fondateur : la gouvernance multipartite. Mais comment cette coordination est-elle rĂ©ellement orchestrĂ©e ? Sâagit-il dâun partenariat Ă©quilibrĂ© entre sphĂšres publique et privĂ©e, ou dâune intĂ©gration pilotĂ©e selon les intĂ©rĂȘts dâune Ă©lite transnationale ?

ThĂ©orisĂ© dĂšs les annĂ©es 1970 par Klaus Schwab, le modĂšle multipartite du WEF repose sur lâidĂ©e que les dĂ©fis mondiaux ne peuvent ĂȘtre rĂ©solus par les seuls gouvernements. Il convient donc de mobiliser toutes les parties prenantes : entreprises, Ătats, ONG, chercheurs, institutions financiĂšres internationales.
Ce principe, en apparence inclusif, dĂ©place en rĂ©alitĂ© le centre de gravitĂ© de la gouvernance globale. LâautoritĂ© issue du suffrage est mise sur le mĂȘme plan que le pouvoir Ă©conomique ou lâexpertise technique. Cela brouille les frontiĂšres entre intĂ©rĂȘts publics et privĂ©s, entre lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique et lĂ©gitimitĂ© fonctionnelle.

La coordination sâeffectue principalement Ă travers des plateformes thĂ©matiques, crĂ©Ă©es et animĂ©es par le WEF :
⹠Centre pour la quatriÚme révolution industrielle
âą Global Plastic Action Partnership
âą Food Action Alliance
âą Partnering Against Corruption Initiative (PACI)
Ces plateformes rĂ©unissent les parties prenantes autour dâobjectifs dĂ©finis par le Forum. Elles produisent des recommandations, des cadres de rĂ©gulation, des stratĂ©gies dâinvestissement et parfois des projets pilotes mis en Ćuvre dans certains pays.
Toutefois, ces espaces ne sont pas neutres : leur animation est confiée à des partenaires stratégiques du WEF, majoritairement issus du secteur privé, ce qui garantit à ces derniers un rÎle structurant dans les décisions.

La coordination prĂŽnĂ©e par le WEF repose davantage sur la centralisation technocratique que sur la dĂ©libĂ©ration dĂ©mocratique. Les ONG prĂ©sentes sont gĂ©nĂ©ralement sĂ©lectionnĂ©es pour leur compatibilitĂ© idĂ©ologique, et les Ătats pour leur volontĂ© de collaborer sans remettre en cause les principes du Forum.
Il nâexiste pas de vĂ©ritable procĂ©dure de dĂ©libĂ©ration entre Ă©gaux, ni de mĂ©canisme dâarbitrage en cas de conflit dâintĂ©rĂȘts. Le WEF agit comme un chef dâorchestre : il impose la partition, sĂ©lectionne les solistes, et dirige le tempo de lâagenda global.
Cette logique favorise les grandes entreprises capables de financer, structurer et influencer durablement ces plateformes, au dĂ©triment dâun Ă©quilibre entre voix Ă©conomiques, politiques et citoyennes.

La coordination opĂ©rĂ©e par le Forum Ă©conomique mondial entre multinationales, gouvernements et ONG repose sur une logique verticale, fondĂ©e sur lâinfluence des acteurs privĂ©s dominants. Loin dâune gouvernance horizontale, pluraliste et dĂ©mocratique, le WEF met en place une architecture dâaction globale pilotĂ©e par une Ă©lite technocratique qui fixe les prioritĂ©s mondiales sans vĂ©ritable contre-pouvoir.
Face Ă cette centralisation silencieuse, il est urgent de redĂ©finir les modalitĂ©s de coopĂ©ration internationale en rĂ©affirmant le rĂŽle des Ătats souverains, la transparence des processus et la participation effective des sociĂ©tĂ©s civiles indĂ©pendantes. La coordination mondiale ne doit pas devenir une cooptation dĂ©guisĂ©e.